Perte de poids et bonheur: un mythe

Perte de poids

Pourquoi la perte de poids ne vous rendra pas plus heureux.se

L’hiver approche, les fêtes de fin d’année aussi, et avec cela des envies quotidiennes et alimentaires qui se transforment: rester davantage au chaud chez soi après une journée de travail, avoir parfois moins envie de sortir quand il fait nuit plus tôt. Avoir aussi envie de plats plus chauds et plus consistants. La saison des raclettes et des tartiflettes est déclarée ouverte! Bref, c’est la fameuse “hibernation” qui commence! Rien de plus normal, excepté que malheureusement l’industrie des régimes, elle, n’hiberne pas. C’est d’ailleurs une période propice à son expansion. Elle vient jusque dans votre tanière (coucou les pubs à la tv, ou dans vos magazines préférés)! Elle vient vous souffler à l’oreille tout un tas  d’injonctions sources de stress. « Fais léger ce soir, après la raclette d’hier ».  “Tu devrais faire une séance de sport, tu n’as pas bougé depuis la semaine dernière, tu vas prendre du poids”. “Si tu bouges moins, tu devrais moins manger”. J’en passe des vertes et des pas mûres (comme les pubs pour les tisanes detox, et autres coupe-faims au milieu de celles pour les papillotes…).    

 

Ce sujet invite à de nombreuses réflexions sur notre société telles que la culture des régimes, et le féminisme. Ces deux sujets me passionnent mais sont complexes, et très difficiles à résumer dans un article. Ils feront l’objet d’autres posts à l’avenir!

D’où vient cette guerre faite au gras ?

Faisons un petit retour sur l’historique des standards de beauté en Occident…  Dans les années 20, la silhouette androgyne était de mise (poitrine plate, cheveux courts).  Cette injonction a été remplacée par son contraire dans les années 30, 40 et 50 avec la valorisation des silhouettes “plantureuses” à la Marylin Monroe. Dans les années 70, la femme doit avoir une silhouette longiligne et maigre. Dans les années 80, la femme idéale est grande, mince et athlétique. Dans les années 90 c’est l’ère des top modèles  comme Kate Moss,  aux corps maigres et aux os saillants. Depuis 2010 environ, les injonctions esthétiques sont les suivantes: notre corps doit être mince voire maigre, mais aussi être musclé et voluptueux à certains endroits seulement comme la poitrine et les fesses.

 

Pour résumer: notre corps devrait être à la fois  maigre, tonique et voluptueux… Le corps de la femme doit aussi être dénué de poils. Mais attention, elle doit avoir de beaux, longs et denses cheveux, ainsi que des sourcils bien fournis et dessinés. Ces éléments nous permettent de nous rendre compte de l’incohérence des standards de beauté actuels…. Nous sommes prises dans des injonctions paradoxales et inatteignables pour la majorité d’entre nous!

 

Notre société est profondément grossophobe. Elle associe les corps gros  à des défauts tels que la paresse ou encore le manque de contrôle de soi. A l’inverse, elle associe à tort la minceur au contrôle de soi, au dynamisme et .. au bonheur! Par ailleurs, la société associe de manière complètement erronée la grosseur avec une mauvaise santé et la minceur avec une bonne santé. Pourtant la science n’appuie pas du tout cette idée. Par exemple, les personnes obèses peuvent être en très bonne santé cardio-vasculaire alors que des personnes minces peuvent très bien présenter des risques cardiométaboliques ou du diabète.  

 

Notre histoire est marquée par des campagnes anti-gras financées par des compagnies d’assurance et par l’industrie de la perte de poids et autres compagnies pharmaceutiques.  Le marketing des régimes et des produits minceur a créé une culture où la perte de poids est présentée comme la clé du bonheur et de la réussite. 

Rôles sociaux attribués à la femme: “sois belle et tais-toi”

Bien que l’égalité homme-femme avance à bien des niveaux, le chemin est encore long… Mais ce sujet complexe et passionnant fera l’objet d’autres posts à l’avenir. Encore aujourd’hui, les femmes plus que les hommes sont soumises à des standards de beauté complètement irréalistes. Cette injonction à la beauté est aujourd’hui associée au fait, entre autres, d’être mince et jeune… La femme reste objectifiée, et un de ses rôles sociaux assignés est d’être … belle. Quand d’autres rôles seront davantage attribués aux hommes: être ambitieux professionnellement, avoir du succès, du pouvoir etc.  Tout est fait pour que l’apparence physique occupe une place primordiale dans la vie des femmes, au détriment d’autres domaines. Ces éléments sont le nid d’une plus grande insatisfaction corporelle chez les femmes que chez les hommes, et ce dès le plus jeune âge.

Régimes, rééquilibrages: du pareil au même!

Beaucoup de personnes semblent au courant aujourd’hui que les régimes ne sont pas souhaitables car l’effet yoyo  de ces derniers est maintenant bien connu de la population générale. Le terme de “régime” est aujourd’hui banni et remplacé par d’autres mots comme “healthy” ou encore “rééquilibrage alimentaire”…  Ne vous méprenez pas: il s’agit de la même réalité et des mêmes mécaniques empreintes de culture des régimes. 

 

Les régimes (ou ses amis déguisés) imposent un ensemble de règles rigides, souvent axées sur la réduction drastique de l’apport calorique et l’augmentation des dépenses énergétiques. Ces régimes dictent des normes strictes basées sur des croyances alimentaires souvent erronées. En effet, cette approche divise les aliments entre ceux qui sont interdits et ceux qui sont autorisés, créant une dynamique de restriction et de privation. Les personnes suivant ces régimes se trouvent souvent contraintes de composer avec des listes d’aliments « bons » et « mauvais », sans considérer les besoins individuels ou les préférences personnelles. C’est un peu comme s’il y avait d’un côté les bonnes calories et de l’autre les mauvaises. Il y aurait donc d’un côté des aliments amaigrissants et de l’autre des aliments grossissants. Or, soyons bien d’accord: tout comme un kilo de plumes est égal à un kilo de plomb, une calorie d’endive est égale à une calorie de chocolat.  Il y a souvent une confusion entre les qualités nutritionnelles des aliments et les calories qu’ils contiennent, créant une obsession dans la tête de celui qui fait un régime. Ces règles restrictives ont été largement critiquées par des experts en nutrition et en psychologie, car elles créent un rapport conflictuel avec la nourriture, engendrant des effets négatifs sur la santé mentale et physique. Les tentatives de contrôle du poids ont pour conséquence un cercle vicieux entre restriction alimentaire – restriction cognitive – craquage avec épisodes d’alimentation compulsive, entraînant affects désagréables tels que la honte et la culpabilité. Cela renforçant la restriction alimentaire ultérieure (c’est le fameux: “demain je me remets au régime”).  

La perte de poids n’est pas qu’une question de volonté!

La culture des régimes simplifie excessivement la perte de poids en la réduisant à un simple équilibre entre les calories ingérées et celles dépensées. Cette approche néglige la complexité intrinsèque du corps humain et des processus métaboliques. En réalité, la perte de poids est bien plus complexe que cette simple équation mathématique. De nombreux facteurs, tels que les facteurs génétiques, le type de métabolisme, les hormones et d’autres variables individuelles, influent sur la manière dont notre corps stocke ou brûle les calories. Cette simplification excessive ignore les différences significatives entre les individus et leurs réponses variables à l’alimentation et à l’exercice. En conséquence, cette vision réductrice crée des attentes irréalistes et induit en erreur les individus, les faisant croire que la perte de poids est uniquement une question de volonté et d’équation de calories, occultant ainsi de nombreux autres éléments sur lesquels nous n’avons souvent aucun contrôle direct. Cela a été mis en lumière par de nombreuses études scientifiques, qui ont démontré la diversité des réponses individuelles à des régimes identiques et l’impact des facteurs non contrôlables sur la perte de poids.

Effets néfastes des régimes sur la santé globale

Les régimes restrictifs ont été associés à une série d’effets néfastes sur la santé globale (Manne et al., 2007). Sur le plan physique, ces régimes peuvent entraîner des carences nutritionnelles, perturber le métabolisme et contribuer à des problèmes tels que des troubles du comportement alimentaire comme l’anorexie mentale et la boulimie. Sur le plan psychologique, les régimes restrictifs sont liés à l’anxiété, à la dépression et à des préoccupations excessives concernant l’alimentation et le poids, aux troubles alimentaires, exacerbant ainsi les problèmes d’estime de soi. Socialement, ces régimes peuvent conduire à l’isolement, et à une perturbation des relations sociales et familiales. Par ailleurs, les régimes peuvent être couplés à une tendance à faire de l’exercice physique intense, s’apparentant parfois à une addiction au sport, que l’on appelle la bigorexie.  Cette dernière peut entraîner ou amplifier des troubles alimentaires, des perturbations de l’image corporelle, de la dysmorphophobie, de l’épuisement physique, ainsi que des blessures à répétition. Nous pourrons évoquer cette addiction plus en détails dans un prochain article.

Pistes de réflexion pour s’émanciper de ces injonctions toxiques

Faites un état des lieux de votre situation

Les standards de beauté sont partout autour de nous, diffusés par les médias. Cela  nous poussent à penser  que certains types de corps et caractéristiques sont plus désirables que les autres. C’est ce qu’on appelle l’internalisation des standards de beauté. 

La première étape serait donc de réfléchir à votre rapport à ces standards de beauté. À quel point les éléments suivants sont importants pour vous: être mince? Être athlétique/musclé.e? Ne pas avoir de gras à certains endroits?  Évaluez également votre satisfaction/insatisfaction corporelle: qu’est-ce que vous aimez chez vous ? Contre quels autres aspects luttez-vous en permanence? Depuis combien de temps luttez-vous? 

 

Ensuite, questionnez-vous sur tout ce que vous avez fait pour vous rapprocher de ces standards. Qu’avez-vous déjà fait pour modeler votre apparence/votre corps? Combien de régimes? Lesquels? Quelles règles alimentaires avez-vous suivies? Quels sports avez-vous pratiqué? Dans quels buts? Listez les avantages et les inconvénients de toutes ces tentatives de contrôle que vous avez déjà testées. Ces éléments peuvent vous donner un point de départ à votre réflexion et à vos actions.

 

Vous pouvez déjà vous féliciter de ce travail qui n’est pas facile! Vous vous rendez peut-être compte de toute l’énergie, le temps, parfois l’argent que vous avez dépensé dans la recherche du contrôle de votre corps. Au détriment peut-être d’autres éléments qui vous tiennent à coeur? Les relations sociales, les envies personnelles et professionnelles, les loisirs… Qu’est-ce qui importe pour vous, au-delà de votre apparence physique? Qu’est ce qui fait de vous qui vous êtes? Qui êtes-vous? Prenez le temps pour ces réflexions, pas besoin de se presser !

Allez creuser ce qui se cache derrière votre souhait de perte de poids

Loin d’être superficiel, le souhait de perte de poids cache souvent des besoins bien plus profonds (qui ne se résoudront pas avec une perte de poids). En général, il y a un souhait des personnes à s’aimer davantage ou un souhait de se sentir digne de l’amour de l’autre. Il est important de pouvoir travailler en thérapie ces liens entre apparence physique et sentiment de valeur. De la même manière, il est tout à fait possible de questionner l’importance accordée à l’apparence physique dans les dynamiques interpersonnelles, notamment amoureuses.  Derrière l’envie de perte de poids, se cache souvent des blessures profondes, en lien avec l’histoire de vie de l’individu et l’histoire de ses relations, parfois précoces. 

Rejetez les standards de beauté irréalistes

Comme dit précédemment, il est important de se rendre compte du caractère irréaliste et maltraitant des standards de beauté actuels qui pèsent sur nos épaules (encore plus en tant que femmes).  On nous demande tout et son contraire, et on nous cantonne encore bien trop le rôle de devoir faire de notre apparence physique un des principaux critères de notre réussite. Nous sommes bien plus que ça, insurgeons-nous! 

 

Les réseaux sociaux débordent de comptes “fitness”,et “healthy” (d’autres mots qui font partie de la culture des régimes, même si le mot régime n’apparaît pas). Ils valorisent ces mêmes idéaux et associations erronées entre beauté et minceur.  Bien souvent, on peut se sentir beaucoup plus mal après s’être rendu.es sur ces comptes. Ces ressentis sont un bon indice qu’il vaut mieux les éviter. Ainsi, une étape possible peut être de se désabonner des comptes sur les réseaux qui prônent le contrôle alimentaire, la suractivité physique, le contrôle de sa silhouette et la restriction alimentaire.  A l’inverse, n’hésitez pas à explorer d’autres comptes qui prônent et exposent à la diversité corporelle et à la neutralité corporelle. Aussi, je vous invite à explorer des comptes mettant en avant toute autre chose que le corps: loisirs, nouvelles compétences etc Soyez curieux et diversifiez vos intérêts et ce à quoi vous êtes exposé.es quotidiennement.

Explorez les enseignements du féminisme

Le féminisme permet d’entamer une réflexion véritablement libératrice! En vous intéressant à cela, vous pourrez en apprendre davantage sur les rôles de genre et l’importance accordée à l’apparence physique de la femme.  Peut-être trouverez-vous une passion pour ces problématiques passionnantes: vous pourrez alors vous engager dans des associations ou des initiatives qui luttent contre le sexisme et les oppressions subies par les femmes!  Le féminisme peut vous permettre de lutter contre ces injonctions de beauté imposées aux femmes.

Explorez la thérapie de l’alimentation intuitive

Votre rapport à l’alimentation et à votre corps à l’âge de 4, 5 ou 6 ans était-il le même qu’aujourd’hui? Probablement pas! Le bébé et le petit-enfant ont une capacité naturelle, intuitive à réguler leur alimentation. Mais au fur et à mesure du temps, notre exposition aux standards de beauté véhiculés par les médias augmente.  Les messages véhiculés par la culture des régimes, ainsi que les contraintes quotidiennes (repas à heures fixes, nombres de repas  par jour socialement admis), nous éloignent de ces habiletés naturelles à entendre et répondre aux besoins de notre corps.

 

La thérapie de l’alimentation intuitive ne propose pas de nouvelles règles à suivre, ni un nouveau régime. Elle invite justement à s’en distancier, en vous engageant dans une réflexion concernant votre rapport à vous-même, à votre corps, à l’alimentation et à l’activité physique. Elle encourage la réflexion autour de 10 principes. Pour plus d’informations à ce propos, je vous invite à lire la page de mon blog qui explique chaque principe en détail, en cliquant ici. Ainsi, au cours d’une thérapie en alimentation intuitive, vous apprenez à vous reconnecter à ces signaux internes de faim, de satiété et de satisfaction.  Vous apprenez à honorer non seulement votre faim physique, mais également vos envies. Cela implique aussi un travail d’auto-compassion important. Vous apprenez peu à peu à vous (re)faire confiance, et à (re)faire confiance à votre corps . 

Cet article avait pour but d’ouvrir une réflexion sur la relation entre la perte de poids et le bonheur, et d’encourager une approche plus holistique de la santé et du bien-être émotionnel. Si vous ressentez le besoin de soutien pour développer une relation saine avec la nourriture et votre corps, n’hésitez pas à contacter un.e professionnel.le de santé mentale formée à ces questions pour vous aider dans ce cheminement.

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